L’édifice est flambant neuf, coloré, chatoyant, à deux pas des transports. On se dit que la fête sera belle même si ça sent déjà les aigreurs d’estomac et les rancœurs intestines d’après-biture. Dans l’arène, le ciel est bas et lourd, il pèse comme un couvercle, ce plafond métallique qui nous prive du grand air des matches de rugby habituels mais qui nous préserve des grands froids d’une mauvaise saison qu’on sentait bien venir. Un peu étrange ce stade intérieur avec un virage en moins, avec des sièges sans visibilité coincés dans un angle mort derrière cet écran géant qui ne reflète rien d’autre que le score, figé.
La sono tonitruante qui hurle dans les aigus ne parvient pas à « ambiancer » les esprits gémissants qui se préparent aux longs ennuis. On sent que l’Espérance va se cogner aux trois coins de ce cirque et de son plafond qui limitent tous les horizons d’attente.
Et tout de suite, on pressent que le fête n’aura pas lieu.
Je ne parlerai pas essai, pénalité ou plaquage… pas de cadrage, ni de chistera, ni de mêlée. On n’en est plus à la technique ou à la stratégie. Les joueurs sont comme des esprits errants qui geignent lamentablement. Le public se réconforte en applaudissant les avions en papier que des lanceurs d’alerte envoient jusque sur la pelouse synthétique.
Le jeu est désespérément morne, triste, fade, inconsistant. On voit des ombres bleues, égarées dans l’arène, en quête d’on ne sait trop quoi. Pas d’envie, pas d’enthousiasme, pas de jeu. Et le Japon, équipe de guêpes virevoltantes, nous malmène facilement, beaucoup trop facilement. Les rouge et blanc s’amusent, courent, nous éreintent, montrent un appétit de sumo pour les courses et les belles envolées.
La France aurait dû perdre ce match mais in fine il ne fut que nul.
Soudain, un cri de ferveur retentit près de moi : l’un des avions en papier a plongé vers l’en-but ! Et puis, tout de suite après, des huées, des « remboursez » et des commentaires désabusés. Tout cela m’évoque le théâtre absurde de Beckett, je pense « Fin de partie » ou « la dernière bande » mais tout cela reste inaudible sous les huées des travées voisines.
Pour accueillir son premier match de rugby, l’enceinte toute neuve mérita bien qu’on la rebaptisât la « hou-Arèna ».