Business
Business

Bertrand Lécureur : Stade Français Paris 1883-2023. Ensemble continuons l’histoire, publié aux éditions Ramsay.

thumbnail_Bertrand Lécureur

Professeur, Docteur en histoire contemporaine, les rebonds imprévisibles du ballon ovale ont amené Bertrand Lécureur à connaître de multiples plaisirs comme joueur, éducateur, dirigeant et président au service du rugby havrais depuis les années 80. Dans ces riches expériences, le rôle de transmission entre générations a toujours été primordial et aboutit logiquement en 2022 à la publication aux Éditions Ramsay de l’histoire du Havre Athletic Club, doyen de l’ovalie française. En 2023, c’est avec la même passion que l’auteur a proposé la longue et belle épopée du rugby au Stade Français Paris. Il répond à nos questions sur cet ouvrage que les amateurs du rugby d’avant et de maintenant apprécieront.

Bertrand Lécureur – Le Stade Français a été acteur de la quasi-totalité de l’histoire de l’Ovalie française. Il est l’un de ses plus anciens clubs, sacré huit fois Champion de France entre 1893 et 1908. Par ailleurs, les dirigeants et joueurs du club parisien ont joué un rôle important à certaines époques, comme en 1900, lors des J.O de Paris, lorsqu’il fallut composer le XV français de l’USFSA (ancêtre de la FFR), qui remporta le tournoi olympique. Six ans plus tard, on retrouve le Stade Français très impliqué dans la formation de la première équipe de France, appelée à rencontrer la Nouvelle-Zélande le 1er janvier 1906. Le Stadiste Henri Amand, international français n°1, en est le capitaine, cinq de ses coéquipiers de club sont également sur le terrain et l’arbitre du match, Louis Dedet, est une figure emblématique de la maison Bleu et Rouge ! Voilà qui unit l’histoire du Stade Français et de l’Ovalie nationale pour l’éternité ! Plus tard, de grands serviteurs du rugby tricolore sont encore sortis de ses rangs, comme Serge Saulnier, directeur de la fameuse tournée du XV de France en Afrique du Sud en 1958 ou plus récemment, le regretté Bernard Lapasset, ancien président de la FFR. Adolphe Jauréguy, monstre sacré de notre rugby, a également joué sous les couleurs du club parisien, avant de la diriger.

En s’éloignant de l’élite pour rentrer dans le rang des années 1930 à la fin des années 1990, le Stade Français a côtoyé « la France du rugby », tous « ses soldats inconnus », qui forment les racines de notre chère Ovalie. Qui se souvient aujourd’hui que les Parisiens ont longtemps bataillé en troisième division avec Le Havre, Laon, Verdun, Libourne, Ussel ou Lons-le-Saunier, autant de clubs de notre terroir !

Stade Français Paris 1883-2023 – Ensemble continuons l’histoire

À l’inverse, il y a eu parfois quelques divergences entre le Stade Français et le rugby français. La plus grave a eu lieu entre 1930 et 1932, lorsque le club quitte la FFR avec d’autres pour former une éphémère fédération dissidente, l’Union Française du Rugby Amateur, et jouer quelques saisons un championnat parallèle ! Plus sympathique, à partir des années 1990, « l’ère Max Guazzini » provoque l’irruption dans un rugby français encore très traditionnel, de spectacles incroyables en marge des rencontres, de maillots avec des éclairs et surtout de couleur rose, d’une petite voiture téléguidée pour amener le tee au botteur… Révolutionnaire !!! Et pas toujours bien acceptés au début mais adoptés depuis par le monde de l’Ovalie française et même de l’Ovalie internationale !

Bertrand Lécureur – Toutes ces anecdotes et ces petites histoires sont l’ADN de notre rugby, de son art de vivre. Si le texte du livre s’appuie sur une méthode rigoureuse de recherche historique, il était indispensable d’y ajouter une bonne dose de ces récits savoureux qui peuplent les troisièmes mi-temps ! Ce sont toutes ces sagas, toutes ces épopées, qui forment le patrimoine d’un club et le rendent immédiatement attachant dès qu’on le fréquente ! Aussi étrange que cela puisse paraître de nos jours, jusque dans les années 1920, il n’était pas rare que les articles de presse racontent les péripéties des longs déplacements d’une équipe ou les meilleurs moments des repas d’après-match ! Ainsi, en avril 1898, après que les sélections de Paris et d’Edimbourg se soient affrontées, la description de l’ambiance à table prend une tournure rabelaisienne. Les Écossais sont déchainés mais le père Didon, pionnier et figure du Stade Français, n’est pas en reste et prononce un discours d’anthologie entre deux toasts, provoquant un tonnerre d’applaudissements. En 1898 déjà, notre rugby possédait déjà ses célèbres troisièmes mi-temps ! À partir des années 1960, j’ai beaucoup apprécié l’esprit créé par les Old Hirelings (« OH »), l’équipe « loisir vétérans » du Stade Français. Une ambiance unique avec des tournées mémorables en Europe et partout dans le monde, des anecdotes en pagaille bien évidemment, qui ont hissé le rugby au rang de véritable art de vivre ! Canotiers sur la tête et blazers impeccables de rigueur, les « OH » ont accompagné les grandes heures de la présidence de Max Guazzini, du début de la décennie 1990 jusqu’à la fin des années 2000. Une période extraordinaire, fourmillante d’histoires savoureuses, dont certaines sont relatées dans le livre. Il faut imaginer alors un cocktail détonnant de joueurs de grand talent (cinq Boucliers décrochés en une décennie !), acharnés aux entraînements mais capables parallèlement de croquer à pleines dents dans tous les plaisirs de la vie, de la table, de la fête, de la « déconnade », parfois démesurée ! De sacrées belles aventures humaines, qui unissent à jamais et composent l’ADN du rugby ! Deux m’ont particulièrement marqué. La première a eu lieu lors d’une nuit mémorable des Parisiens à Aurillac au printemps 2000, alors que l’équipe était en autogestion et surtout au bord de l’élimination en championnat. Ce grand moment festif et fraternel déboucha finalement, quelques semaines plus tard, sur le titre de Champion de France 2000 ! L’autre, plus émouvante, implique le regretté Christophe Dominici. En finale 2004, remportée par les Stadistes, déjouant tous les plans de jeu rigoureusement établis, le voilà qui lance le défi à Diego Dominguez, de réussir le drop le plus spectaculaire possible… Malgré l’enjeu, chacun y est allé de son exploit (réussi évidemment !), faisant gonfler le score, tout en se chambrant copieusement. Absolument incroyable… La définition parfaite de « jouer au rugby pour le plaisir » !

Bertrand Lécureur – L’avenir du rugby : à notre époque de profondes mutations liées aux nouvelles technologies, à la domination des écrans, à l’évolution des mentalités, des rapports sociaux de plus en plus individualistes, il y a plus de motifs d’inquiétude que d’optimisme. Il faut rester positif malgré tout et parler de défis à relever, comme on en relève chaque week-end sur les terrains ! Le premier réside dans le renforcement de la formation des jeunes sur l’ensemble du territoire, en particulier au Nord de la Loire. C’est primordial pour assurer la relève à tous les niveaux, des clubs amateurs jusqu’aux équipes nationales, au masculin comme au féminin. Il faut travailler davantage avec l’Éducation nationale, relancer le rugby scolaire, aller dans les quartiers, mettre notre sport au

service de la réussite de toutes et de tous. Le rugby doit parvenir à vivre avec son temps, en entretenant et transmettant ses valeurs fondamentales pour éviter les dérives. Les défis ne manquent pas, certains sont très complexes, comme l’entretien de l’engagement bénévole dans les clubs.

Pour que les clubs fassent vivre la mémoire et les valeurs de leur histoire, il faut déjà ne pas les oublier ! Il est indispensable de sauvegarder les archives. L’outil informatique permet de les numériser. Aujourd’hui, l’on peut facilement conserver plus d’un siècle d’histoire sur un simple disque dur ! Alors, par pitié, chers dirigeants des clubs, ne jetez rien ! Contactez la FFR ou votre Ligue, qui vous aideront à préserver vos archives ! Un simple téléphone permet aujourd’hui de filmer et d’enregistrer les personnages emblématiques de vos clubs, leurs doyens, qui sont toujours heureux de raconter leurs souvenirs… Toutes ces sources permettent ensuite de produire une publication, une exposition, un documentaire audio-visuel. Tout cela a le pouvoir magique de souder un club, toutes ses générations, de faire revenir des anciens joueurs ou dirigeants, etc. L’union et la cohésion faisant la force, voilà un bon moyen de préparer l’avenir et de relever collectivement bien des défis !

Share with

Récents

Paris sportifs : le rugby se fait sa place
Grâce à la Coupe du Monde, le rugby a fortement progressé (+40 %) sur le marché des paris sportifs. Même s’il ne représente que 3 % des montants pariés, loin…
L’USAP peut-il rêver de phases finales pour la première fois depuis 2010 ?
La semaine précédente, nous évoquions « La Magie de l’USAP » par Laurent Bellet, qui louait l’état d’esprit et la ferveur du rugby catalan dans l’antre d’Aimé Giral. En déplacement à Montpellier…
Le prono de week-end : La France va-t-elle inverser la tendance et remporter le Tournoi face aux Anglaises ?
Le Tournoi des 6 Nations féminin va mettre un point final à l’édition 2024 en ce Samedi après-midi. Le dernier match du Tournoi verra se jouer le titre puisque le…
La magie de l’USAP
C’est le tube du printemps, l’USAP, club emblématique du rugby français secoue le TOP 14. 6 victoires lors de 8 derniers matchs de TOP 14, les joueurs de Franck Azema…
Le prono de week-end : La Section Paloise prête à jouer une place dans les 6 premiers ?
Le Top 14 reprend ses droits en cette deuxième partie du mois d’Avril. Après deux semaines de Coupe d’Europe, le championnat de France entre dans sa dernière ligne droite avec…

ON RECOMMANDE

Paris sportifs : le rugby se fait sa place
Grâce à la Coupe du Monde, le rugby a fortement progressé (+40 %) sur le marché des paris sportifs. Même…
100 jours des JO : le sponsoring des athlètes a fait un bon en avant estime Sporsora
A 100 jours des JO de Paris, Sporsora publie un bilan du sponsoring sportif des Athlètes par les marques. 762…
Neoma Business School – Rouen : La 23ème édition du Tournoi EY Top Eight grâce à l’entrepreneuriat étudiant du 5 au 7 avril
Depuis sa création en 2001, Neoma Business School à Rouen a été à l’avant-garde de l’innovation éducative et de l’engagement…
TotalEnergies nouveau sponsor et partenaire RSE de la FFR
Cela bouge du coté des partenaires sponsoring de la FFR. Après la confirmation du partenariat avec Altrad et le départ…
RECHERCHE
INSCRIVEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !