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Romain Poite : « Comme les joueurs »

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Parce que le rugby pro a changé, parce que l’arbitrage a changé, parce qu’arbitrer un match ne dure pas qu’une heure trente par semaine, accompagnez-moi dans ma semaine au plus près de tout ce qu’un arbitre fait pour être au top le jour J.

 

La prépa physique

Je suis arbitre pro depuis 2007, et arbitrer un match aujourd’hui, c’est effectuer entre 7 et 8 km de courses. C’est pour ça que la préparation physique est essentielle. Le lundi, on est en récupération-régénération. Le mardi, de 9h à 12h, on travaille le foncier à base d’étirements, de travail d’appuis et de fractionnés (3 tours de piste, de nombreuses séries de 10×10 et 30×30 sur 50m puis à nouveau des tours de pistes). Le mercredi, c’est jour de repos. Le corps a besoin d’une coupure. Jeudi, à nouveau du physique. Le vendredi, c’est vélo et renforcement musculaire mais très light.
Toutes nos données d’entraînement ou de match sont enregistrées sur le GPS qu’on porte en permanence sur nous, comme les joueurs. Elles sont transmises aux instances nationales, européennes ou mondiales qui s’occupent des arbitres. Être bien préparé physiquement nous permet d’être beaucoup plus sereins lors des matches avec leur tension et leur pression.

Photo : Stéphane Operti

 

La récup

J’ai pris l’habitude d’aller à l’Iteps à Muret. Là-bas, je profite de la balnéo, des aqua-bikes ou de la cryothérapie. Avec un outil pareil dans ma région, ce serait dommage de ne pas en profiter. Etre au meilleur de sa forme fait partie de notre mission. Et comme on n’a que ce qu’on mérite dans la vie.

Aqua-bike en balnéo – Photo : Stéphane Operti

 

Un attrait pour l’Asie

J’ai une attirance pour l’Asie. J’apprécie les médecines chinoises ou l’acupuncture que je pratique depuis cinq ans. Cela fait un bien pas possible à la tête mais aussi à mon côté nerveux du fait de ce métier qui accumule les tensions. La nourriture asiatique, j’en raffole également. On ne le voit pas trop mais j’ai aussi deux tatouages écrits dans un japonais ancestral que je ne vous traduis pas. C’est intime.

La cryothérapie, ça pique – Photo : Stéphane Operti

 

L’analyse des performances

A chaque match, il y a un superviseur dans le stade qui note votre performance et vous pose des questions avec sa sensibilité de technicien en tribunes. Le lundi, à partir d’un logiciel vidéo, on fait notre analyse en allant chercher les points négatifs ou les points de doute de notre arbitrage. On construit une playlist à base de clips qu’on envoie au superviseur qui fait à son tour une playlist sectorisée entre jeu au sol, mêlée, etc. On échange, on débat et hors du contexte, on trouve des solutions aux problématiques. Le résultat est ensuite envoyé à un coach de la Fédé, qui à son tour, travaille avec nous afin de toujours s’améliorer. Le tout dure deux à trois jours. Le haut niveau, c’est le souci du détail.
Une fois par mois, nous avons également une réunion de deux jours avec tous les arbitres de Top 14, soit à Marcoussis, soit à Toulouse. On a des réunions aussi avec l’EPCR et World Rugby. En plus, j’analyse les matches d’un arbitre de Top 14, d’un de Pro D2, d’un de Fédérale 1 et d’un de Fédérale 2.

Les données par GPS – Photo : Stéphane Operti

 

Ma complicité avec Pierre Brousset

Qu’il s’agisse du physique ou des analyses d’images, je travaille avec un autre arbitre du Comité Midi-Pyrénées et de Top 14 : Pierre Brousset. Même si j’ai un peu plus d’expérience que lui, il n’y a pas de hiérarchie entre nous. On est devenus des amis. Je n’ai pas travaillé avec beaucoup d’arbitres dans ma vie, il n’y a que lui. Pierre se nourrit de mes erreurs, moi des siennes pour progresser. Et sa jeunesse me tire vers l’avant, notamment lors du travail foncier. Je suis très fier de sa réussite.

Photo : Stéphane Operti

 

« Préparer l’évènement à venir pour ne pas le subir »

Du jeudi au vendredi, on travaille beaucoup à partir des stats ou d’analyses vidéo des équipes. Je suis dans le global. Je cherche à connaître le jeu des équipes pour mon placement, ne pas me retrouver dans le trafic. On ne cherche pas des solutions d’arbitrage et on ne veut pas avoir un secteur ou un joueur dans le viseur. On veut juste être en alerte sur certaines données.
Je me souviens lors d’un match du Tournoi des 6 Nations, j’avais analysé le jeu d’un pilier lors de la tournée de précédente en novembre. Or, il n’avait plus la même attitude quelques mois plus tard. A chaque fois, c’est une nouvelle histoire. L’objectif de cette préparation est de préparer l’évènement pour ne pas le subir.

Montages et analyses depuis ma chambre d’hôtel en Afrique du Sud

 

La logistique

L’avantage de ne pas faire partie d’une structure est qu’on est maître de notre temps et de notre organisation. En revanche, tout ce qui est réservations ou déplacements, nous nous en occupons nous-même, avant d’être remboursés via des indemnités kilométriques. En France, on connait la désignation du match qu’on couvrira le vendredi pour le samedi de la semaine d’après.

 

La vidéo

La vérité de la caméra est diamétralement opposée avec ce que l’on a vécu sur le terrain. Ce n’est pas la même perception. Après, il y a deux critères avec l’usage de la vidéo. Le premier consiste en une aide à la décision. Avec la pression et les enjeux financiers qui existent aujourd’hui, et que l’on respecte, on ne peut pas se permettre de se tromper. Le second critère, telle une démonstration, aide à « vendre » une décision aux acteurs et spectateurs. Evidemment, il faut faire un usage modéré de ces appels aux images mais cela dépend des matches.

Romain Poite – 03.10.2015 – Angleterre / Australie – Coupe du Monde 2015 -Twickenham
Photo : David Davies / PA Images

 

Proximité avec les joueurs

J’essaie d’être plus naturel possible malgré mon rôle. Je souhaite bien finir et vivre de bons moments sur le terrain. Mais attention, tout ne dépend pas que de nous. On nous a demandé d’arrêter le tutoiement avec certains joueurs. La proximité et le fait de se connecter avec eux permet d’installer une relation de confiance sans que cela soit du copinage. Mais ne pas pouvoir le faire avec tous rend la chose inéquitable. Donc, stop. On se pose aussi des questions quant au fait de parler ou non en anglais avec les anglophones.

 

Maîtriser l’anglais

Ayant fait huit ans d’allemand, il m’a été facile d’apprendre l’anglais par la suite. Plus sérieusement, le comité nous avait dispensés des cours avec un arbitre qui était prof durant 3-4 mois. Surtout, dès lors que l’on passe trois semaines à l’étranger, la pratique vient rapidement, sachant que les termes propres au rugby sont toujours les mêmes.

 

Le rapport aux entraîneurs

Durant la semaine, des staffs nous envoient des mails pour évoquer des phases de jeu ou des tactiques de leur équipe ou de l’adversaire. Ce n’est pas de la triche ou de la délation. C’est juste que l’on met le doigt sur la règle pour battre l’adversaire dans les règles. Cela s’appelle l’équité. Quoi qu’il en soit, on ne répond plus et c’est tant mieux.

 

Photo : Stéphane Operti
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