A l’occasion de la finale de la Champions Cup 2020 entre le Racing 92 et Exeter, Laurent Cabannes, troisième ligne aile du Racing Club de France de 1986 à 1996 raconte la genèse du « show-biz »ou comment une bande de joueurs talentueux et facétieux ont rafraichi l’image du rugby avec des nœuds de papillon roses.
« Quand j’ai débarqué au Racing Club de France en 1986, les trois-quarts formaient une sorte de mini-club dans le club. Autour d’Eric Blanc, Franck Mesnel, Yvon Rousset, Jean-Baptiste Lafond et Philippe Guillard, ils avaient pris l’habitude de multiplier les facéties sur et en dehors du terrain. Dès 1984, alors que le club n’évoluait encore qu’en groupe B, il leur arrivait de jouer en caleçon rose sous le short. Avant d’être médiatisés, ils s’amusaient déjà de cette image de parisiens “branchouilles” qui se déplaçaient en province pour affronter les équipes ‘’du terroir’’.
Cela les a quand même pas mal exposés au “chambrage” à l’époque, même au sein du Racing, de la part des avants. C’est d’ailleurs de là qu’est né le surnom ‘’show-biz’’. Un jour, à l’entrainement, un seconde ligne, voyant les trois-quarts arriver leur lança : “Tiens, il y a le show-biz qui arrive”. Petit à petit, toute l’équipe s’est appropriée cela. Puis les journalistes ont commencé à leur tour à qualifier les arrières franciliens de la même manière.
Le premier gros coup du show-bizz : les bérets à Bayonne
En 1986 donc, c’était ma première saison au Racing Club de France après quatre ans à Pau. Début janvier 1987, le show-biz avait réalisé son premier gros coup en jouant avec les bérets à Bayonne. Quelques mois plus tard, au printemps, nous nous déplacions à Clermont-Ferrand pour affronter Brive. Cette fois-là, ils étaient rentrés sur le terrain avec des blazers et des nœuds papillon. Arrivés en finale, ils avaient refait le même coup.
A l’époque, cela avait créé un gros engouement médiatique. Le rugby était alors un milieu assez restreint, fermé. Cette image décalée et fantaisiste tombait à pic et a permis de profondément changer l’image de ce sport. Franck Mesnel et Eric Blanc ont surfé sur cet engouement pour le show-biz et le nœud papillon rose pour lancer leur marque Eden Park.
Il faut reconnaitre que le vrai tour de force du show-biz est d’avoir su apporter de la fantaisie à un sport qui en manquait un peu à l’époque tout en gardant de l’élégance, du respect pour les adversaires et surtout en restant très performants. Leurs facéties et l’exposition médiatique qui allait avec leur mettaient une pression supplémentaire, il fallait assurer sur le terrain mais ces mecs-là étaient suffisamment talentueux ! Ce sont les premiers à avoir cassé la frontière entre le terrain, l’après-match, le quotidien, en termes d’état d’esprit et de style. »