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Olivier Hiquet nous raconte sa vie de data analyst dans le rugby professionnel espagnol

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Olivier Hiquet a grandi sur la côte landaise, du côté de Soutons où le rugby est une affaire de famille. Son père, ancien international à XV, a créé l’école de rugby de Soustons où Olivier y a fait ses débuts à l’âge de 4 ans. Passé brèvement par le pole espoir de Bayonne, Olivier est tout de même resté fidèle à son club de coeur. Formé au fil des années en tant que demi d’ouverture, Olivier est resté au club jusqu’à ses 27 ans où il a décidé de s’installer à Madrid pour privilégier sa carrière professionnelle.

Le rugby connait un développement intensif au niveau de l’optimisation de la performance depuis plusieurs années. L’arrivée de la Big Data a permis aux clubs et fédérations de traiter des données sous plusieurs formes. L’importance de la Big Data est aujourd’hui telle, que la plupart des clubs professionnels en Football, Basket ou Rugby travaillent un Data Analyst.

La technologie prend place dans le rugby

En guise d’introduction, Olivier Hiquet a mis en avant une grande innovation menée par l’entreprise Sportable, en relation avec l’équipementier Gilbert. Ensemble, ils mènent le projet « Smart Ball » qui consiste à implanter une puce dans le ballon de rugby. Olivier nous explique l’objectif de cette avancée technologique :

« Cela permet, en plus des informations que l’on a sur les joueurs grâce aux GPS et des éléments de video, d’avoir aussi un élément de données par rapport au ballon. Cela existe déjà mais sous une forme différente. En football, les données sont calculées en fonction de caméras optiques. Après plus d’un an, ce projet a été testé lors du 6 nations féminin avec un ballon connecté. Il est possible qu’en 2022, les 6 nations masculins pourraient l’utiliser »

La deuxième actualité importante concerne l’intelligence artificielle, qui pourrait avoir un impact direct sur le métier de Data Analyst. C’est aux Etats-Unis et via la société Stats Perform que cela se développe beaucoup, notamment au niveau du Basket qui propose de nombreuses animations tirées du traitement de la donnée.

« Stats Perform qui a notamment racheté Opta, sont les pionniers dans la partie intelligence artificielle. Ils ont mis en place un système pour pouvoir faire le décodage des actions vidéo du basket. Cela signifie qu’à terme, il n’y aura plus besoin d’avoir des personnes qui face du découpage de vidéo puisque l’intelligence artificielle sera capable de le faire. »

Une première expérience dans le club de Alcobendas Rugby (Madrid)

Cette passion pour la donnée et l’utilisation qu’il est possible d’en faire, Olivier Hiquet s’en est servi pour tenter de vivre en plein cœur de sa passion. Dans le cadre de son projet de fin de Master, Olivier a eu l’opportunité d’intégrer un club semi-professionnel à proximité de Madrid où il vit. L’objectif était de vivre une première expérience dans le monde de la data sportive et de mettre en place une méthodologie de travail pointue.

« J’ai recherché un club dans les alentours de Madrid. Alcobendas Rugby utilisait les données tirées des vidéos de leurs matchs. Je voulais approfondir l’analyse des données vidéos. Avec Alfonso de la Cruz, analyste vidéo du club, je me suis réuni pour pouvoir faire un audit sur la façon de fonctionner. Avec cela, je me suis fixé comme objectif d’identifier des problèmes offensifs de l’équipe, contrôler des indicateurs de performances individuels ou collectifs sur cette partie offensive. »

La donnée au service de la performance

Voilà le maître mot d’Olivier durant tout son parcours au sein du club madrilène. Avec son approche du rugby et la collaboration du staff technique, il a essayé de mettre en place plusieurs outils pour venir appuyer et influencer les décisions des entraîneurs. Ils nous expliquent sa technologie :

« L’autre objectif était de présenter les données dans un modèle descriptif, puis présenter les données dans un modèle prédictif, en utilisant du matching learning. Le troisième objectif, c’était l’utilisation d’un logiciel de visualisation, en créant un tableau de bord pour que le staff puisse utiliser les données. »

Pour répondre à ces trois objectifs, Olivier a dû mettre en place un certain nombre de paramètre de mesure et d’analyse pour pouvoir proposer des données cohérentes et utiles. Après plusieurs années passées sur le terrain en temps que numéro 10, son expérience de joueur est devenue un atout pour proposer un contenu pertinent et facile à utiliser pour le staff.

« A mon arrivée, je leur ai fait modifier des variables métriques pour que le modèle prédictif que j’avais en tête puisse être affiné. Pour construire mon modèle, je me suis aligné aux objectifs du staff. J’ai donc construit mon modèle avec les indicateurs suivant : les attaques qui se terminaient avec soit la conservation de balle, soit une pénalité, soit un essai. On constate qu’il y a des corrélations entre les variables, c’est-à-dire qu’il y a des facteurs favorables pour atteindre l’objectif. »

A cela, il faut y ajouter des variables encore une fois bien précise pour pouvoir affiner l’analyse de ces séquences de matchs.

« J’ai retenu 4 variables : entre 2/3 phases de jeu, à partir de 4 phases de jeu, et les notions du terrain qui sont la zone de ses propres 22 aux 22 adverses et la zone de marque des 22 à la zone d’en but. Dans leur métrique, il y avait la notion des phases de jeu, mais il n’y avait pas la notion des zones du terrain. Je l’ai fait ajouter quand j’ai commencé ma collaboration parce que j’ai pensé que c’était un élément important, dans un esprit de stratégie. L’objectif est de savoir s’il y a des zones préférentielles pour atteindre les objectifs de conservation ou de marque. »

Un travail minutieux donc, mais qui nécessite une communication accrue avec le staff technique pour pouvoir rester en phase avec le terrain. Avec maintenant le recul nécessaire, Olivier Hiquet dresse un premier bilan des actions menées aux côtés du staff d’Alcobendas

La nécessité du Data Analyst

« Avec un data analyst, on se rend compte qu’il y a des choses qui évoluent et qu’on nécessite d’autres éléments. Il y a eu une utilisation plus précise des données vidéos, en fonction des adversaires et du match, selon l’avancée de la saison.  On s’est rendu compte que suivant les équipes que l’on rencontrait et le moment du match, les résultats n’étaient pas les mêmes. »

Le seul regret d’Olivier est l’arrivée du Covid-19 qui est venu mettre un terme à sa collaboration suite à l’arrêt des championnats

« Avec l’arrêt de la saison 2019/2020 et le contexte actuel, pour moi il y a un côté de frustration puisque je n’ai pas pu suivre le projet pour développer autre chose avec eux. »

Interrogé sur son futur et ses prochains objectifs, Olivier Hiquet admet que tout le travail fournit n’a pas été réalisé pour rien.

Entrainement de l’Equipe de France – Centre National du Rugby – Marcoussis

« La méthodologie que j’ai utilisée et celle d’un data analyst. De ce que j’ai fait à Alcobendas, je peux utiliser mon vécu pour le mettre en pratique dans un autre club et un autre staff. Mais il faudra partir de l’existant du club, qui auront leurs propres données et de leur propre vision. Chaque manager a sa propre vision. »

Avec ce développement à grande vitesse de la Data, le métier de Data Analyst est devenu quasiment incontournable dans le monde du sport, et maintenant du rugby.

« Comme le rugby s’est professionnalisé, le monde des données est arrivé avec des objectifs par rapport à des projets de jeu. On doit changer le paradigme : avant il y avait un ou deux entraîneurs et beaucoup de joueurs, maintenant on a des staffs qui sont supérieurs à 15 joueurs. C’est une manière de voir que la partie entraîneur/staff est beaucoup plus armé dans chacun des domaines, y compris les datas. Pour moi c’est l’avenir et c’est là-dedans que je veux m’inscrire. »

Il est clair : il faudra compter sur le traitement de données sportives pour les années à venir !

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